20 ans de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 : Une étape clé pour l’accessibilité numérique en France
Le 11 février 2025 marque les 20 ans de la promulgation de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte fondateur a posé les bases de l’accessibilité en France, notamment dans le domaine numérique en imposant aux services publics de rendre leurs sites web accessibles. Mais où en sommes-nous deux décennies plus tard, à l’aube de nouvelles évolutions réglementaires majeures ?
Une loi toujours d’actualité
Publiée en 2005, et applicable depuis 2009 (NDLR. le décret qui permet d’appliquer cette loi initial a mis 4 ans à être publié) cette loi représentait une avancée majeure en matière de droits pour les personnes handicapées.
L’article 47 impose alors des obligations spécifiques en matière d’accessibilité numérique. Cet article, modifié une première foi en 2016 puis en 2018 pour élargir son champ d’application, prévoit que les services de communication au public en ligne des services publics doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes en situation de handicap. En plus de cette obligation d’accessibilité, elle imposait notamment une obligation d’affichage pour les entités concernées, en leur demandant de :
- Réaliser un audit et publier une déclaration d’accessibilité pour chacun des sites sous leur contrôle
- Publier un schéma pluriannuel sur 3 ans décliné en plans d’actions annuels
- Fournir un moyen permettant aux utilisateurs de faire remonter des problèmes d’accessibilité
L’accessibilité numérique reste un enjeu incontournable
Dans un monde de plus en plus numérique, l’accès aux outils et services en ligne est devenu indispensable pour étudier, travailler, consommer ou encore s’informer. Pour les personnes en situation de handicap, des obstacles persistants peuvent rendre ces activités difficiles, voire impossibles, ce qui créé des situations grave pouvant aller jusqu’à la discrimination de ces utilisateurs.
Quels progrès pour l’accessibilité depuis 20 ans ?
Malgré tout, on peut noter depuis ces 20 dernières années des progrès indéniables :
- Développement de normes et de recommandations : depuis 20 ans, on a vu passer 4 versions du référentiel du RGAA, deux version majeurs de WCAG avec pour chacun une quantité de ressources qui gravitent autour de ces référentiels qui est astronomique.
- Les évolutions du langage HTML : la naissance du HTML5 et la disparition de flash ont certainement été des marqueurs de la meilleur prise en compte de l’accessibilité numérique.
- L’industrialisation des processus de développement : Alors qu’il y a 20 ans, on était dans l’artisanat, l’apparition des framework moderne JS (pour peu qu’ils soient bien implémentés) vont permettre de bénéficier à l’accessibilité numérique, puisqu’ils sont désormais répandus sur la majorité des sites sur lesquels nous intervenons. Si des correctifs d’accessibilité numérique sont appliqués à ces framework, l’ensemble des sites qui les utilisent vont en bénéficier.
- Les technologies d’assistance ont aussi beaucoup évolué ces 20 dernières années. On peut évoquer par exemple les commandes vocales qui ont révolutionné l’usage du numérique pour les personnes à mobilité réduite. Ou encore des logiciels comme Dragon Naturally Speaking ou les assistants Siri et Google Assistant permettent de piloter un appareil par la voix. Parallèlement, les technologies de suivi du regard (eye-tracking) et les interfaces neuronales (BCI) offrent de nouvelles possibilités aux personnes atteintes de paralysie sévère. Certains outils se sont popularisés et ont été intégrés nativement à certains OS comme VoiceOver ou bien des version opensource tels que NVDA sont devenus des logiciels très performants.
- La prise en compte des prestataires et éditeurs logiciel : le constat que nous faisons sur le nombre de sollicitations que nous recevons est qu’il y a de plus en plus de demandes, l’accessibilité numérique est devenue un business !
- Les parties prenantes se mobilisent, outre les premiers utilisateurs concernés, un certain nombre d’organismes publient des données sur l’accessibilité numérique, on peut noter par exemple :
- Celui des démarches essentielles (ex-Observatoire de la qualité des démarches en ligne) de la DINUM qui comprend 247 services essentiels des démarches de l’état.
- Observatoire de l’accessibilité numérique de l’Adullact, qui analyse automatiquement certains critères d’accessibilité d’environ 100.000 sites internet.
- Observatoire du respect des obligations d’accessibilité numérique des sites de la Fédération des Aveugles de France. Cet observatoire se base sur les déclarations publiées (ou pas) d’environ 4000 entités d’importance en France (publiques et privées).
Les événements clés depuis 2005
- 2007 : L’État Français publie la version 1.0 du RGAA
- 2008 : Entrée en vigueur des Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) 2.0
- 2015 : Publication de la version 3 du RGAA, suivie de nombreuses ressources pour aider à sa mise en application. Évolution majeure avec la reprise des critères Accessiweb
- 2019 : Extension au secteur privé : la loi étend l’obligation d’accessibilité au secteur privé, notamment les entreprises générant un chiffre d’affaires annuel de 250 millions d’euros (réalisé en France). Le RGAA publie également une nouvelle version de son référentiel, la version 4 qui change de nom et devient le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité.
- 2023 Transposition de la directive européenne (UE) 2019/882 relative à l’accessibilité des produits et services applicable à partir de 2025. Désormais, l’obligation légale est étendue à certains secteurs (banques, transports, téléphonie, audiovisuel, livre numérique et commerce électronique) et mise en place de nouvelles autorités de contrôle habitués et habilités à sanctionner : DGCCRF, ARCEP, ACPR, AMF et Banque de France.
- 2024 : Les WCAG dans la version 1.0 fête leur 25 ans
- 2025 : fin du délai de grâce pour la mise en œuvre des obligations d’accessibilité pour les nouvelles entités concernée par l’Acte Européen d’Accessibilité.
Les défis à relever
Malgré ces avancées, les défis à relever restent encore nombreux :
- De la vigilance à tout les égards :
- On le dit plus haut, l’accessibilité numérique est devenue un business. Par conséquent cela attire des personnes peu scrupuleuses qui voient avant tout un moyen de générer du chiffre d’affaire, sans nécessairement fournir un travail qui permettant de mieux prendre en compte l’accessibilité.
- Il y a une dizaine d’année, le nombre d’experts en accessibilité numérique était relativement faible (le marché aussi par ailleurs), on pouvait parler d’une famille d’experts qui se connaissait. On voit aujourd’hui passer sur les réseaux bon nombre de personnes qui se proclament experts grâce a un prompt dans un outil d’IA et/ou une formation de quelques jours. Elles proposent parfois des recommandations sur l’accessibilité via des communications qui n’appliquent pas elles même ces recommandations…
- Pas de solution de facilité, on vit dans une ère techno-solutionnisme ou tout doit pouvoir être réglé par un logiciel/script/etc. (coucou l’IA !). Certes, ces outils peuvent nous simplifier la tâche, mais la mise en œuvre du respect des recommandations d’accessibilité demandera toujours un travail nécessaire et particulier. Prenons l’exemple des outils de surcouche avec leurs limites, qui peuvent être une étape dans la mise en œuvre de l’accessibilité numérique, mais ne remplaceront jamais un audit, ni un mise en conformité par des corrections dans le code ou la contribution du projet. L’article que nous avons écrit en 2021 est toujours pleinement pertinent : https://boscop.fr/outils-surcouche-accessibilite-numerique/
- Un retard à rattraper : De nombreux sites web et applications restent partiellement, voire totalement inaccessibles. Quand on imagine la quantité de services de communication au public en ligne publiés par jour, ceux qui ont été pensées voir mesurés au regard de l’accessibilité numérique (via un audit) ne sont que la goutte d’eau dans l’océan du numérique. Le travail restant a faire est titanesque.
- Un manque de formation : Les développeurs et concepteurs d’interfaces numériques ne sont pas toujours formés aux bonnes pratiques d’accessibilité. Nous l’évoquions dans un article sur notre blog en 2019 déjà (https://boscop.fr/ecole-informatique-formation-accessibilite-numerique/), mais force est de constater que l’accessibilité numérique est toujours trop peu présente dans les programmes de formation initiale des écoles de développement en 2025.
- Des sanctions limitées : Les contrôles et sanctions en cas de non-conformité sont encore trop faibles pour encourager un changement massif. D’ailleurs bien que des sanctions financières existent depuis 2019, aucune sanction n’a à ce jour été prononcée…
L’avenir de l’accessibilité numérique
Pour les 20 prochaines années, plusieurs pistes doivent être explorées :
- Renforcer la sensibilisation, toujours plus de formations ! Il faut acculturer les équipes de conception et de développement à ces thématique, et il faut faire rentrer l’accessibilité dans les écoles.
- Innover davantage : L’intelligence artificielle et les nouvelles technologies offrent des opportunités inédites pour rendre le numérique encore plus accessible. Par exemple, si on pouvait se passer d’une consultante ou d’un consultant en accessibilité numérique pour traiter des problèmes sur les alternatives d’images, cela permettrait aux experts de se dégager du temps sur des problématiques plus complexes.
- Appliquer les sanctions et/ou instaurer des incitations :
- Les premières sanctions devraient (on l’espère !) être appliquées prochainement, ce qui amplifierait la prise de conscience
- Des subventions ou des allègements fiscaux pourraient encourager les entreprises à se conformer aux standards d’accessibilité. Pourquoi pas également restreindre certains avantages (crédit d’impôts recherche, aides à l’embauche, etc.) aux services accessibles ?
- Une régulation du métier à venir ? Le nombre d’experts grandissant, doit-on réguler le métier, en certifiant les auditeurs ou bien en empêchant les équipes de développement de réaliser elle même les audits de leur applications (à l’instar des contrôleuses et contrôleurs technique) ?
Conclusion
Célébrer les 20 ans de l’article 47 de la loi du 11 février 2005, c’est l’occasion de saluer les progrès réalisés tout en rappelant que l’accessibilité, notamment numérique, reste un chantier ouvert. En collaborant et en innovant, nous pouvons créer un monde numérique plus inclusif, où chacun a sa place.
L’objectif ultime reste de garantir un accès égalitaire au numérique pour tous, y compris aux personnes avec un handicap. La collaboration entre pouvoirs publics, entreprises et associations est essentielle pour atteindre cet objectif ambitieux.
Comment Boscop peut vous aider à vous préparer aux nouvelles obligations ?
Alors que la date butoir approche, il est crucial pour les entreprises et organismes concernés d’anticiper. Voici quelques pistes pour se mettre en conformité.
Intégrer l’accessibilité dès la conception des projets
Plutôt que de corriger a posteriori, adoptez une démarche d’accessibilité numérique « by design ». Travaillez avec des experts en accessibilité pour concevoir des produits utilisables par tous.
Nous sommes en mesure d’intervenir à toutes les étapes de votre projet pour assurer une prise en compte optimale de l’accessibilité numérique !
Se former
Comprendre et savoir appliquer les principes de l’accessibilité numérique est indispensable. Des formations spécifiques permettent de sensibiliser les équipes aux enjeux et aux bonnes pratiques.
Découvrez notre catalogue de formations, et trouvez celle adaptée à votre besoin.
Réaliser un audit d’accessibilité
Un audit permet d’évaluer l’état actuel de vos sites ou applications. Identifiez les points à améliorer pour répondre aux exigences du RGAA.
Boscop est en mesure de réaliser un audit de votre site et de vous fournir un rapport détaillé pour améliorer votre niveau de conformité au RGAA !
Rédigé par
Simon Bonaventure
Responsable du Pôle A11Y